- TURKMÈNES
- TURKMÈNESLes Turkmènes remontent aux anciens Oghuz, qui, vers le VIIe siècle, formaient une fédération de vingt-quatre clans établis en Mongolie. Au Xe siècle, les Oghuz se fixent entre l’Aral et la Caspienne, où ils s’islamisent. À la fin du Xe siècle, une importante fraction suit les Seldjoukides jusqu’en Turquie. À partir de la fin du Xe siècle, le mot «Turkmen» apparaît chez les auteurs arabes pour désigner les Oghuz restés en Asie centrale.HistoireAu XVIIIe siècle et au début du XIXe, les Turkmènes sont encore principalement éleveurs et en lutte contre les seigneurs uzbeks des oasis de Khiva, de Merv et de Boukhara. Les différents groupes turkmènes sont eux-mêmes en rivalité constante les uns contre les autres. Khiva et Merv vivent de pillage et de trafic d’esclaves. Des milliers de Persans, d’Afghans et de Russes sont razziés et vendus sur les marchés de Khiva et de Boukhara. Les attaques contre les colons russes fournissent au tsar le prétexte d’une intervention au Turkestan; en 1839, deux mille esclaves russes sont libérés à Khiva; mais les premières campagnes se soldent par un désastre, faute d’une connaissance suffisante du terrain. En 1873, Khiva, dont la citadelle avait été abandonnée par le khan uzbek, est prise; seuls les Turkmènes poursuivent la résistance. En 1880 est entreprise la construction du chemin de fer transcaspien, dont le dessein essentiellement politique est de prendre possession du Turkestan avant les Anglais présents en Inde. En 1881, les Russes s’emparent du camp retranché de Geok Tepe, près de l’actuelle Achkhabad; les Tekke sont massacrés. Trois ans plus tard, Merv fait sa reddition et est rattachée au gouverneur général du Turkestan en 1898.L’influence russe est établie définitivement. L’émir de Boukhara, qui seul reste semi-indépendant, est placé à partir de 1885 sous le contrôle d’un agent politique russe disposant de pouvoirs étendus.RépartitionLes Turkmènes sont au nombre de 3 millions au Turkménistan, soit 73 p. 100 de la population en 1993; on en trouve 134 000 en Ouzbékistan, 15 000 au Tadjikistan, plus de 20 000 au Daghestan et à Astrakhan. En Afghanistan, les quatre cinquièmes sont des réfugiés venus entre 1920 et 1930, au moment des collectivisations soviétiques; ils sont au maximum 340 000, installés dans les steppes en bordure de l’Amu-Daria. En Iran, ils sont localisés au nord, dans le Gorghan et le Khorassan. On les estime à 885 000. En Turquie centrale, de nombreux éleveurs (plus de 200 000 au milieu des années 1990), presque entièrement sédentarisés, se disent encore turkmènes.Les Turkmènes sont de religion musulmane sunnite et ont conservé peu de traditions préislamiques. Pourtant, ils n’ont jamais su s’unifier pour s’opposer à l’expansion russe. Les groupes les plus importants sont: les Tekke, Akhal Tekke et Merv Tekke, nombreux en Iran et à Hérat; les Yomud, sur la Caspienne, les Salor et les Saryq. D’autres descendraient directement de l’ancêtre Oghuz-kh n: Tchaudor, Göklen (à la frontière de l’Iran), Igdyr, sur la Caspienne, Khatab, Mukri, Ersari (dans les régions de Kerki et d’Aqcha), Qarqin (sur l’Amu-Daria).Le turkmène fait partie du groupe sud-ouest des langues turques, avec l’osmanli et l’azeri, et comprend plusieurs dialectes: le yomud, le tekke, l’ersari, le göklen.Organisation sociale traditionnelleAutrefois, chaque concentration de yourtes nomades ne comprenait qu’un seul sous-groupe. La solidarité était fondée sur les liens de parenté; chaque chef de famille était, en principe, sur un plan d’égalité avec les autres. L’autorité reposait sur la loi écrite musulmane (shariat ) et sur la loi orale (adat ) représentant la tradition et que les vieux (aksakal ) étaient chargés de faire appliquer.La sédentarisation a transformé l’organisation tribale. Celui qui contrôle l’eau assure sa suprématie et augmente ses propriétés. Les terres molk , les meilleures, près de l’eau, sont propriétés privée; les terres sanachik , non irriguées, appartiennent à tous et leur partage avait lieu une fois l’an. Seul, l’homme marié obtient le droit à la terre et à l’eau. Le père de la jeune fille exige une dot (kalym ) comme «remboursement des frais engagés pour élever la fiancée». La polygynie permet à l’homme d’obtenir autant de parts d’eau qu’il a d’épouses. Certaines familles arrangent des mariages entre leurs enfants encore en bas âge (kudalyk ), et il arrive que le fiancé doive travailler pour son beau-père (kaitarma ).La colonisation russe a provoqué une aggravation du processus de concentration des terres. De 1914 à 1917, le nombre des paysans sans terres a triplé, tandis que 5 p. 100 des exploitants détiennent le tiers des terres. Le mirab chargé de la répartition de l’eau ainsi que le chef du village qui entretient des rapports avec l’administration soutiennent les gros propriétaires. L’augmentation de l’exportation du coton et des tapis produit un renchérissement de la femme, dont le prix varie avec les cours du coton. La femme, devenue un objet de production, est contrainte à la réclusion et perd complètement la liberté dont elle jouissait autrefois.Les femmes ne participent jamais aux travaux de l’agriculture. Les jeunes filles sont données souvent à des familles déjà apparentées, pour réduire les frais du mariage; la femme d’un homme décédé peut être donnée à un jeune frère du défunt (lévirat). Les fils doivent prendre femme dans l’ordre d’âge. Le moment de la circoncision des garçons, de sept à douze ans, ainsi que les mariages sont l’occasion de grandes fêtes très dispendieuses. Les hommes sachant lire et écrire sont rares et portent le titre de mullah .Les paysans cultivent surtout le blé et le millet, le sésame, des légumes, des melons et des pastèques. Des canaux principaux amènent l’eau des fleuves à une série de canaux secondaires; la distribution de l’eau dans ceux-ci est soumise à une répartition horaire. Il existe aussi des karez , canaux souterrains au pied des collines. Des norias, des troncs basculants remontent l’eau. Les champs sont bordés de petits mûriers qui servent à l’élevage du ver à soie.La terre est cultivée par des ouvriers agricoles payés à l’année ou par des métayers qui gardent le sixième de la récolte, ainsi que par de nombreux journaliers.Le métayage contribue à maintenir les techniques primitives d’agriculture et le bas niveau des rendements. Les instruments agricoles sont rudimentaires, faute de capitaux: araire (manche-sep de bois avec soc en fonte), planche à écraser, faucille.Avec l’introduction du coton égyptien à longues fibres, l’économie s’est transformée. De 1890 à 1914, les exportations de coton sont multipliées par quatorze, autant que les importations de produits alimentaires.Les Turkmènes, qui ont abandonné la vie nomade dès le milieu du XIXe siècle, élèvent de grands troupeaux de moutons karakul pour la fourrure. Ceux-ci sont confiés à des bergers professionnels qui, l’été, les emmènent dans la steppe, près de puits profonds. Les fourrures sont vendues aux enchères, à Londres et à Leningrad. Des dromadaires sont utilisés pour le transport des charges et les chevaux sont nombreux.L’artisanat occupe dans les villages de nombreux menuisiers, tanneurs, bottiers et tisserands. Les femmes élèvent le ver à soie à Khiva, à Kerki, à Chardju et en Afghanistan, et la soie à confectionner des foulards rouges et des manteaux à Andkhoy, à Aqcha et à Daulatabad de Balkh. Elles se consacrent surtout à la fabrication de tapis, extrêmement réputés, qui sont exportés en Europe et aux États-Unis; elles foulent aussi des feutres de laine à dessins géométriques, brodent de soie des manteaux et des bonnets.Les Turkmènes vivaient autrefois en groupements de yourtes. Celles-ci étaient faites d’une carcasse de bois en treillis et d’une couverture de feutre (de couleur blanche pour une nouvelle mariée), décorées de bandes tissées de laine et transportables sur deux dromadaires. Actuellement, elles sont devenues rares et ne servent plus que de maison des femmes, au centre d’une cour entourée de bâtiments en briques crues, à toit en coupole. L’habitation des hommes et celle des femmes, où nul étranger ne peut pénétrer, sont très rigoureusement séparées.Beaucoup de gens restent célibataires à cause du prix élevé des femmes.Des musiciens ambulants (bakhshi ) chantent des poésies épiques ou amoureuses en s’accompagnant au luth à deux cordes ou d’une longue flûte oblique. Les femmes jouent chez elles d’une guimbarde de fer.Un ÉtatLa République socialiste soviétique du Turkménistan a été créée en 1924. Elle a déclaré son indépendance de l’Union le 27 octobre 1991. Elle s’étend sur 488 000 kilomètres carrés et comptait 1 516 000 habitants en 1959, 2,2 millions d’habitants en 1970 et 4,2 millions en 1993. La capitale, Achkhabad, avait plus de 400 000 habitants en 1991.Durant l’époque soviétique, l’effort d’éducation a été considérable (95 p. 100 des habitants savent lire et écrire). Le lévirat a été interdit en 1928. La situation des femmes s’est améliorée grâce à l’industrialisation, à l’urbanisation et à l’élévation du niveau de vie.En 1993, le Turkménistan conserve une agriculture collectivisée, occupant 40 p. 100 de la population, surtout axée sur la culture du coton par irrigation. Il a d’importantes réserves de pétrole et surtout de gaz, en dépit des surestimations. Il est le quatrième producteur mondial de gaz avec 76 milliards de mètres cubes. Mieux doté que ses voisins et ethniquement plus homogène, il se trouve néanmoins confronté sans préparation à une réalité économique et stratégique sur laquelle il a peu d’influence.Enfin, dans le domaine culturel, les poètes les plus connus sont Makhtum Kuli (1735-1805), Mollah Nepes, Keminé, Ata-Salikh, Zelili. L’écriture, arabe en Iran et en Afghanistan, est remplacée au Turkménistan depuis 1940 par le cyrillique modifié.Turkmènes ou Turcomanspeuple turc installé au Turkménistan, en Ouzbékistan, au nord-ouest de l'Afghanistan et au nord de l'Iran.
Encyclopédie Universelle. 2012.